Amidst
Chronique de Amidst, par Tracy Killz de Metal Oddities
Vous avez déjà chassé le Dahu ? Non pas Etienne, l’autre, la bestiole qui selon la légende vit dans les montagnes mais que personne n’a jamais vue. A part ceux qui vous demandent d’aller la chasser. C’est simple, il vous suffit d’un sac et des bâtons, et c’est parti.
Plus beaucoup de patience certes.
Mais avez-vous déjà chassé le Yeti ?
Ce truc immense qui lui aussi vit dans les montagnes, que les Ricains appellent le Bigfoot, en nous ressortant de vieilles photos trafiquées pour nous prouver son existence…Chasser le Yeti demande aussi beaucoup d’abnégation, et puis admettons. Vous le trouvez. Qu’allez-vous lui dire ? Que la vie est belle lorsqu’on s’assume en tant que masse de poils ambulante ? Pas sûr qu’il soit convaincu par l’argument…
Moi, je suis plus fort que tout le monde, mais vous le savez déjà. Je l’ai trouvé le Yeti. Mais je n’ai ramené aucune photo pour que vous puissiez voir à quoi il ressemble. J’ai ramené beaucoup plus que ça. Un témoignage audio de son quotidien. Parce qu’aussi hirsute et asociale soit la bête, elle s’exprime par un vecteur musical tout à fait valide et surprenant.
Amidst.
C’est comme ça qu’elle a appelé son enregistrement. Et aujourd’hui, par le biais des trappeurs Send The Wood Music, vous pouvez tous découvrir sa voix, son talent, et son monde à part. Sauf que la surprise risque d’être de taille. Car il n’y a pas qu’un seul YETI. Il y en a deux en fait. Aussi velu l’un que l’autre. D’où, plus de créativité et de liberté.
Alors, lancez le disque. Et bienvenue dans la grotte du fantasmagorique bestiaire de l’improbable.
Vous n’aurez donc pas besoin de traquer la fourrure dans les cols enneigés, puisque « Yeti vient se caler au coin du feu pour raconter ses histoires de brouillard électrique dans une ambiance intimiste et noise. ». Petits veinards, les bêtes s’invitent chez vous…Vous n’avez pas de cheminée ? Faites brûler quelques palettes dans le jardin, ça marchera aussi. La procédure est simple, et expliquée qui plus est. Car « Yeti fait du Sonfle : une musique parasitée, ambient, parfois éthérée, parfois pesante, toujours sincère et mouvante, un poil caractérielle et qui, malgré tout, trouve sa place parce qu'il y a toujours un coin dans ton coeur pour un Yeti. ». Exposé sous ces termes, l’affaire se présente opaque. Mais une fois les pistes s’évaporant dans l’air, elle devient lumineuse et profondément apaisante, tout en gardant ce caractère un peu chafouin qui a permis à la créature de rester cachée aussi longtemps.
Et cette bestiole, velue, est plutôt du genre paisible en fait, et n’incarne pas du tout la menace que le Folklore local a bien voulu lui attribuer.
A dire vrai, elle est même très stable et posée. Presque introspective. Donc…
…loin de l’énervement Metal auquel vous êtes habitués. Faites la donc entrer sans crainte, elle n’abimera pas le mobilier.
Tout ceci n’a en effet que peu de rapport avec le genre de trip que nous faisons religieusement à intervalles réguliers. Il est même difficile de parler de pèlerinage Rock en évoquant le voyage de la bête, qui préfère les chemins de traverse Folk, les haltes dans des gîtes Ambient, et les longues marches électroniques presque Dream Pop. Elle est aussi capable de se poser quelques minutes, et d’évoquer le vent glacial qui balaie sa fourrure, en prenant une guitare acoustique, pour vous chanter sa solitude à deux très paisiblement. « Assis Là », c’est comme ça que l’hydre à deux manteaux appelle son ressenti, et c’est très pur, très beau, ça ressemble même un peu à MONO, THE OCEAN, mais c’est très personnel, comme une vieille comptine qu’on se refile de grand-mère à petite fille.
La narration est fluide, mais souvent heurtée de sons bizarres, de samples, de bruitages saccadés, et surtout, prend son temps pour planter le décor. « The Path », qui décrit le périple à travers les neiges est aussi long que l’effort fourni pour rejoindre la civilisation, mais se suit avec ferveur et émotion. Une voix pas très assurée mais « vraie », une mélodie simple et habitée, presque hantée par les larmes, et quelques stries grondantes en arrière-plan qui incarnent la difficulté de quitter son habitat naturel. C’est raconté en huit minutes, mais ça passe comme dans un songe. A vous d’ouvrir les yeux pour vérifier ce que vos oreilles entendent vraiment. Les deux bestioles prennent parfois leur temps pour dévoiler leur vraie nature, et les non-dits sont importants pour elles. « Singing Grass » par exemple, utilise le silence pendant de longs instants, avant de laisser un banjo subtil se superposer à la narration atone.
C’est touchant, glacial, hivernal, mais ça réchauffe le cœur.
Même lorsque les dangers de la vie sauvage s’incarnent dans un « Wolves » dont le titre aurait pu suggérer une emphase Rock, ils se trouvent finalement dans un pardon harmonique qui suggère plus l’amertume que la violence ou la crainte. Les saisons sont abordées évidemment, presque comme des interludes Ambient (« Fall Is At Dawn »), tout comme la découverte de l’urbanisme (« Buildings »), qui suscite des réactions mitigées, un peu Drone ou Noise.
Cette créature existe donc, et il était difficile de savoir à l’avance qu’elle avait un jumeau. Mais la symbiose entre les deux parties est telle qu’on peut continuer de ne la concevoir que comme un tout. Et la musique qu’elle nous offre est un océan de tranquillité et de beauté, qui dépeint à merveille les grandes étendues de neige et de glace des montagnes refuge. Pas Rock du tout, encore moins Métal mais pas Indie non plus, juste des harmonies, des mélodies, et des arrangements sonores en textures de brise. Une initiation au merveilleux.
Un trip hallucinatoire qui marque.
Des pas dans la neige qu’on suit sans se retourner, au risque de perdre tous ses repères.
Line Up :
Vincent Bouillet
Label :
Send the Woods Music
Tracklist :
01 – Ph•s
02 – Buildings
03 – Amy
04 – Fall Is at Dawn
05 – Farewell
06 – Wolves
07 – Assis l…
08 – The Path
09 – The Scene
10 – Monowl
11 – Singing Grass
02 – Buildings
03 – Amy
04 – Fall Is at Dawn
05 – Farewell
06 – Wolves
07 – Assis l…
08 – The Path
09 – The Scene
10 – Monowl
11 – Singing Grass
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