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dimanche 19 juin 2016

Album de la Semaine : White Night Ghosts - Exorcism Party

White Night Ghosts
Exorcism Party



Interview de White Night Ghosts, par Kerill Mc Closkey

White Night Ghosts évoque le rêve, le cauchemar, la danse, la mort brutale, le rock, l’électro, la tristesse, le plaisir morbide, l’anxiété, la confiance. Mais quel fou peut bien créer telle musique ? Éléments de réponse.
« Les Bombes Seront Les Graines d’Un Autre Monde ». Placée en tête de son premier EP (Joy, 2013), la porte d’entrée au monde de White Night Ghosts n’était pas là pour rassurer. Au moins, on savait où l’on mettait les pieds et qu’il fallait écouter : rien n’attise plus la curiosité qu’un titre grandiloquent dans son pessimisme. « Decadence » arrivait ensuite et c’était la révélation : la guitare était éminemment shoegaze, mais l’atmosphère ultra synthétique. Le morceau se finissait même sur un bon gros drop aux raisons obscures : c’était pour faire danser ça ? On voudrait bien voir la boîte de nuit assez audacieuse pour le placer en pleine soirée.

« LES GROUPES QUI CONTINUENT À ME PASSIONNER AUJOURD’HUI SONT CEUX QUI NE SE CONTENTENT PAS D’APPLIQUER À LA LETTRE LA RECETTE DE MY BLOODY VALENTINE »

Le second EP de White Night Ghosts se nomme d’ailleurs Exorcism Party (sorti le 14 mars grâce à Cranes Records), comme pour clarifier les intentions d’un projet qui se terrait jusque-là dans le mystère. « Je communique au minimum, c’est vrai, et uniquement pour parler de ma musique »accepte-t-il de nous confier. « Il faut parfois « prouver » que tu existes dans le monde de la musique, mais celui-ci, sphère indépendante comprise, ne m’attire pas vraiment. J’aime bien l’idée de me dire que je n’y appartiens pas. Je fais en sorte qu’il n’y ait que la musique et ce qu’elle dégage qui comptent. Je la laisse parler d’elle-même ».
C’est à Nantes qu’Antoine Warneck, l’homme derrière White Night Ghosts, commence à jouer dans le groupe garage-rock The Snoops, avant de monter son propre projet solo. Comme il le dit joliment :« White Night Ghosts est né quand j’ai compris que le groupe était mort ». Antoine parle là des Snoops, mais la phrase pourrait être étendue au concept de groupe en général. Ancré dans une tradition shoegaze et cold-wave reconnaissable, White Night Ghosts sonne en effet comme la brûlure de ce rock contre les moyens technologiques qui permettent à Antoine de produire depuis Rennes une musique plus large, plus ambitieuse, plus forte. « J’ai écouté énormément de shoegaze pendant un temps » nous confirme Antoine. « Et puis tu te rends compte que c’est un « genre » qui a tendance à rapidement tourner en rond. Les groupes qui continuent à me passionner aujourd’hui sont ceux qui ne se contentent pas d’appliquer à la lettre la recette de My Bloody Valentine, ceux qui cherchent au contraire à vraiment se réapproprier les « codes » du shoegaze d’une manière plus personnelle, et/ou en les adaptant à d’autres genres musicaux. Je pense à M83, The Soft Moon, Unison, Screen Vinyl Image, Jesse Ruins, Loveliescrushing et Fuck Buttons par exemple ».

« L’ASPECT TECHNO, JE LE VOIS SURTOUT COMME COMME QUELQUE CHOSE D’IRONIQUE »

Il est très rare de voir aujourd’hui débarquer des projets avec direct un son et des idées bien définis. Pourtant cette patte spéciale dont Antoine parle, White Night Ghosts l’avait trouvé dès le premier EP avec son effrayant emploi d’ambiances techno à tendance industrielle. Caractéristique qu’Antoine a approfondi pour Exorcism Party « J’ai pris plus de distance par rapport à l’influence shoegaze. La guitare n’est plus qu’un élément ponctuel. L’aspect électronique d’Exorcism Party, je le voyais surtout comme quelque chose d’ironique (sans qu’il n’y ait rien de péjoratif à cela) dans le sens ou je l’ai utilisé pour son coté « signifiant », pour ce qu’il représente, pour ce qu’il évoque, davantage que pour son aspect purement musical. D’ailleurs, je ne suis pas très calé, rare sont les projets techno qui m’ont vraiment marqué ».
Rares encore une fois sont ceux qui se permettent de dépasser leur propre goûts musicaux au service de l’originalité de leur musique. Antoine ne souhaite pas se raconter par White Night Ghosts. Il ne cherche pas à nous éclairer sur ce que son papa écoutait dans la bagnole, ou sur ce qui fait danser les jeunes bretons du XXIe siècle, cette espèce étrange. Il veut plutôt que White Night Ghosts crée son propre monde beau et morbide à la fois, là où une tension peut se créer, la où une histoire peut être imaginée. Cette qualité du projet a d’ailleurs amené le réalisateur américain Sean Baker à quémander deux morceaux d’Antoine pour son Tangerine, film récompensé au festival de Deauville qui suit un prostitué trans dans Los Angeles. « Je mets beaucoup de distance entre moi et ma musique » nous affirme-t-il. « Je cherche avant tout à créer quelque chose que j’aimerais écouter en tant qu’auditeur, car je me vois comme un mélomane avant de me voir comme un musicien ». Voilà un homme qui respecte son public. En plus de le faire flipper.
Line Up :
Antoine Warneck
Label :
Crane Records
Tracklist :
01. Post Love
02. Deviance
03. Body Destruction
04. Fake

dimanche 5 juin 2016

Album de la Semaine : Mütterlein - Orphans of the Black Sun

Mütterlein
Orphans of the Black Sun



Chronique de "Orphans of the Black Sun", par Leoluce de DCALC

Orphans Of The Black Sun est le premier album de Mütterlein. D’emblée, comme ça, au regard du patronyme (emprunté à Nico et son fabuleux Desertshore), de la saisissante pochette et du vénérable logo qui se trouve dessus (Sundust Records, le tout jeune label monté par Vindsval de Blut Aus Nord et Phil de Debemur Morti Productions), on s’attend à quelque chose de sombre, de martial, aux connotations éventuellement black. On n’a pas tout à fait tort mais on n’a pas du tout raison non plus. Sombre, indéniablement, Mütterlein l’est. Martial, pas complètement et black, pas du tout. Le duo n’a rien à voir avec le metal et envoie valdinguer bien loin guitares plombées, batteries hachées menu et basses maousses au profit d’un amoncellement de claviers sur lequel plane la voix déchirée et expressive de Marion Leclercq (d’Overmars). De cette formule somme toute assez simple (une voix, des arrangements), Mütterlein tire pourtant une substance particulièrement magnétique et envoûtante. De l’emphase (dans le bon sens du terme), du souffle, des atmosphères prenantes : les morceaux positionnent en permanence leur curseur sur la zone proximale qui les empêche de tomber dans le trop plein. Dès lors, l’ensemble sonne imposant et luxuriant alors même qu’il est bâti sur un parterre pelé. Majoritairement congelé, il rappelle les premiers Dead Can Dance tout en incorporant des éléments plus contemporains que l’on pourrait aller chercher du côté des dernières incarnations des Swans. C’est d’ailleurs assez étonnant, cette grosse vibration cold wave associée à des accents plus ritualistes (à en croire les tags de la page bandcamp, il s’agirait de witch wave sans qu’on y trouve quoi que ce soit à redire), parant les morceaux décharnés d’un voile énigmatique mais néanmoins velouté. Non seulement, il fait froid et sec mais en plus, l’obscurité est de mise.
Quelque part, ces six titres inventent leur propre folklore et semblent parvenir de temps anciens et oubliés. Partagé entre imprécation, mantra, psalmodie, scansion possédée, le chant apporte son lot de nuances, souvent esseulé mais parfois accompagné de chœurs incarnés rendant l’ensemble encore plus solennel. On a l’impression d’interrompre un rituel dédié à un culte païen, de surprendre une prière intime ou un monologue rageur. Lesbian Whores And Witches, en ouverture, accapare de suite. Son orgue majestueux se drape d’une belle emphase systématiquement déchirée par le tranchant de la voix. Quelques percussions martiales et une guitare post-punk aux entournures viennent habiller l’écorché sur la toute fin, le rendant plus sidérant encore. D’autres morceaux suivent cette voie théâtrale et possédée – Blackdog ou encore Heirs Of Doom. Bâtis sur un tempo lent, ils déroulent un psychédélisme noir très immersif qui agrippe les neurones pour ne plus jamais les lâcher. On trouve également des morceaux plus courts, plus urgents, où le sabbat revêt des frusques un peu plus binaires, comme le fabuleux My War par exemple, aux claviers concentriques surplombés d’un chant rageur ou encore My Ghost Army plus loin, peut-être le morceau le plus prototypiquement « rock » d’Orphans Of The Black Sun. C’est que Mütterlein doit aussi beaucoup aux arrangements de Christophe Chavanon (du studio Kerwax où ont été capturés pas mal de disques qui hantent mes étagères et  les vôtres probablement aussi). Tout aussi variés que le chant, ils concourent grandement à la mystique froide du disque et on sent bien que le duo sait ce qu’il fait : des poussières de batterie, d’autres de guitare, des claviers partout, des nappes anxieuses, de l’enluminure triste et glacée, des chœurs spectraux, de l’amalgame fantomatique, des idées en veux-tu en voilà.
Ce post-punk hanté et rituel se développe surtout à l’ombre de morceaux superbement écrits. Les émotions y sont non feintes et la densité bien réelle quand il était si facile de tout surjouer. Dès lors, c’est bien à une expérience que le disque nous convie. On lui sait gré de nous convier au sabbat qu’il laisse entendre sans nous reléguer au rôle de simple spectateur. Orphans Of The Black Sun étant bien sûr avant tout ce qu’il est mais aussi un petit peu ce que vous en faites. En tout cas, pour une première, Sundust Records ne pouvait rêver mieux.
Magistral.
Line up :
Marion Leclercq
Christophe Chavanon

Label :
Sundust Records

Tracklist :
01. Lesbians Whores And Witches
02. Black Dog
03. My War
04. Heirs Of Doom
05. Ghost Army
06. Mother Black Sun