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dimanche 27 mai 2012

Album de la semaine : Grand Duchy - Let the People Speak

Grand Duchy - Let the People Speak



Interview de Grand Duchy, par Matthew Fritch de Magnet Magazine


Grand Duchy : "Devenir comme Brad Pitt et Angelina Jolie"

Magnet Magazine publie une interview de Violet Clark et Black Francis, qui seront également "rédacteurs en chefs invités" pendant toute la semaine. Chaque jour, un nouveau message des têtes couronnées de la pop apparaîtra sur le site.



Voici notre traduction de l'interview.

MAGNET : J'admire les couples qui font de la musique ensemble, parce que même si cela peut être excitant, cela peut aussi créer de la tension entre vous. Craigniez-vous cela quand vous vous êtes lancés dans ce projet ?

Charles : Je suppose que la seule crainte était de ne pas faire quelque chose de bien. Ou peut-être, puisque nous étions un couple, que quand nous présenterions ce travail au reste du monde, tout le monde dirait "Oh, génial. Ils font ça en couple. Il traîne sa copine derrière lui maintenant." Heureusement, les réactions n'ont pas l'air d'aller dans ce sens. Nous sommes heureux que tout le monde fasse preuve de tant de maturité.

Violet, aviez-vous fait de la musique auparavant ?

Violet : J'en ai fait toute seule pendant des années, avec des synthétiseurs et des boîtes à rythme, et j'ai enregistré un album juste avant de rencontrer Charles. Je suppose que c'est parce qu'il savait cela qu'il a commencé à me demander de faire des choeurs. J'ai fini par chanter sur Bluefinger et jouer de la basse sur Svn Fngrs. Mais [avec Grand Duchy] c'était la première fois que je contribuais à l'écriture des chansons.

Un texte de Charles accompagnait les exemplaires du CD de Grand Duchy envoyés à la presse. On y lisait : "Elle aime les années 80. J'ai passé la fin des années 80 à essayer de détruire les années 80." Vous venez donc d'univers musicaux différents.

Violet : Peut-être. Ce n'est pas si tranché que ça. Il ne s'agit pas seulement des années 80, c'est la musique pop. Une sensibilité pop à laquelle, au long de son parcours, Charles ne s'est pas spécialement intéressé.

Charles : C'était juste une référence. Que voulaient faire les Pixies quand nous avons débuté en 1988 [sic, NDT] ? Je suppose que nous étions "anti-années 80" - pas tellement contre la pop/new wave mais plutôt contre le hard rock commercial ou les excès du hair metal. Je ne sais pas si les Pixies essayaient d'être quoi que ce soit, mais nous essayions de ne pas être ça. Nous en aurions d'ailleurs été jncapables. Voilà mon rapport aux années 80. Il se trouve que Violet aime une grande partie de la musique pop de cette décennie, particulièrement dans sa première moitié.

La production soignée de Petits Fours contraste avec ce que Charles a fait ces derniers temps.

Violet : On a passé pas mal de temps en post-production, ce qui n'intéresse pas tellement Charles.

Charles : Ce n'est pas évident, il y a toujours des exceptions. Mes deux premiers albums solo sont pleins de synthés, grâce au producteur, Eric Feldman. Ce n'est peut-être pas quelque chose que les gens associent avec moi, mais ce n'est pas comme si je n'avais jamais touché un synthétiseur. Le dernier album des Pixies est plein de synthés. Je ne suis pas aussi marqué à ce niveau que les Ramones ou je ne sais qui. Je crois que le disque de Grand Duchy sonne "pop" mais pas trop lisse. Par exemple, nous avons joué presque toutes les parties de basse et de batterie nous-mêmes, ce qui lui donne un côté brut, à la Velvet Underground, on joue quelques mesures à la batterie et on passe ça en boucle. Avec un vrai batteur, on aurait perdu cette naïveté.

Violet : La naïveté est un thème important de ce disque. Ne pas penser à ce qu'on ne peut pas faire, mais à ce qu'on peut faire en tant que musiciens qui ne savent pas forcément jouer de tous les instruments.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pendant l'enregistrement ? Y avait-il des choses que l'un adorait et que l'autre voulait balancer par la fenêtre ?

Charles : Seulement des sensibilités différentes et une crainte de l'univers de l'autre. Je n'ai pas de problème avec le rock garage super-abrasif des années 60, Violet si. J'ai un problème avec des choses trop propres ou trop jolies qui peuvent plaire à Violet.

Violet : Au début, ça nous stressait parce qu'on se sentait menacé par la contribution de l'autre.

Charles : On a un esprit de propriété quand on écrit une chanson, parce qu'on sent dans quelle direction elle va aller.

Charles, je ne me rappelle pas de quand date votre dernière chanson écrite à quatre mains.

Charles : J'en ai écrit quelques-unes avec Reid Paley pour deux de mes albums solo, mais c'est le seul exemple ces dernières années. Au sein des Pixies, j'ai écrit deux chansons avec Kim. Je n'ai pas fait beaucoup de collaborations. C'est très dificile quand on n'a pas l'habitude. On a l'impression que l'autre ne sait pas ce qu'il fait. Il n'a pas le même vocabulaire que vous. Avec Violet, il a fallu que je me calme et que je me rende compte qu'elle apportait ce vent de fraîcheur, et que j'étais un peu dans le rôle du vieux bonhomme rassis.

D'une certaine manière, Violet avait l'avantage de connaître la musique de Charles, alors que Charles a dû découvrir cet aspect de sa femme.

Violet : Exact. Il doit avoir entendu mon disque, que j'ai fait seule avec des séquenceurs et des synthés, environ 5 000 fois maintenant. Au début, il était très dubitatif (à l'égard de ma musique), mais depuis il a complètement changé d'avis. Le fait d'absorber ce disque sur le long terme lui a ouvert les yeux sur beaucoup de choses.

J'ai vu sur votre page MySpace une chronique de l'album traduite de l'allemand, via un service du type Babelfish, je suppose : "Qu'ils soient riches tapis de son ou de spacey Geblubber, il donne tous les habituels oblique Thompson compositions sucrées et une facilité, comme elle l'a orienté vers la pop, les premiers albums solo du poids lourd Kodzko tête ne peut plus être entendu."

Charles : Nous adorons les traductions Google. Je m'en sers pour poster des infos cryptées sur les blogs ou les forums. C'est curieux de voir à quel point l'Internet abolit les règles. Nous sommes des citoyens comme les autres, qui envoient des messages à leurs amis sur MySpace ou mettent à jour leurs photos sur Facebook. Quand on est un artiste qui publie des disques, même à petite échelle, c'est marrant de pouvoir se laisser aller et ne pas avoir à se la jouer "Moi qui suis un musicien de rock relativement connu, je ne vais pas m'abaisser à interagir avec les fans de manière si informelle."

Violet : Le temps où on prenait des poses est révolu. Le temps est venu d'être extrêmement créatif et productif.

Charles : En ce moment, nous nous amusons à créer des micro-sites. Nous on avons six ou sept. Nous y mettons des mini-films qui nous ont pris dix minutes à faire. Je ne sais pas si quelqu'un les regarde, mais on se fait plaisir avec cette installation artistique qui change sans cesse.

Vous avez des enfants dont certains son très jeunes. Allez-vous partir en tournée ?

Charles : Nous examinons les candidatures de nounous rock 'n' roll. Nous en avons une à Los Angeles qui s'appelle Emma et que nous aimons beaucoup, mais elle n'est pas toujours disponible.

Violet : Des concerts, il va y en avoir. Nous voulons le faire et beaucoup de gens veulent que nous le fassions, ce qui nous fait très plaisir.

Charles : Nous allons essayer de donner quelques concerts en veillant à ce que nos enfants puissent être pris en charge. Ce n'est pas évident, mais ce n'est pas comme si nous en avions assez, comme si nous pensions devoir renoncer à la musique maintenant que nous avons des enfants : "À partir de maintenant, on ira aux rencontres parents-professeurs et on sera pragmatiques." Quel ennui ! On doit trouver le moyen d'être une famille d'artistes. Si Larry Fein des Trois Stooges y est arrivé, je peux y arriver aussi.

Larry Fein était le premier à vivre comme ça ? Je ne connais pas son histoire.

Charles : Je me rappelle avoir lu qu'il vivait dans des hôtels avec sa famille. Les parents de notre nounou ont composé Afternoon Delight, elle a grandi sur la route et dans les studios d'enregistrement. J'ai entendu des musiciens dire "Jamais mon gamin ne sera élevé dans ce milieu horrible." Moi, j'adorerais que mes enfants soient des entertainers ou des artistes.

Une minute. Ce n'était pas un peu bizarre pour votre nounou de savoir que ses parents ont écrit Afternoon Delight, quand on connaît les paroles de cette chanson ?

Violet : Je crois que la chanson parle de sa conception. Je trouve ça génial. Elle a une très grande confiance en elle parce que ses parents ont écrit cette chanson qui parle de faire l'amour et qui est devenue un énorme tube. Difficile de faire mieux.

Charles : Je crois qu'ils ont aussi écrit un des grands succès de John Denver. Take Me Home, Country Roads.

Charles, allons-nous revoir Black Francis dans le futur ?

Charles : Je suppose. J'ai cet album, The Golem, qui sort bientôt, un beau et grand coffret qui est presque prêt. Je crois que je vendrai ça sur mon site. Les critiques de Grand Duchy sont vraiment bonnes et je me rends compte qu'il y a tout une partie du public que je n'intéresse pas quand je suis seul. Mais s'ils m'entendent dans les Pixies ou avec Violet, je suis équilibré par une présence féminine et ça leur plaît. Je suis prêt à continuer dans cette voie si ça peut nous aider à devenir comme Brad Pitt et Angelina Jolie. Ce serait super.





Line Up :
Black Francis
Violet Clark

Label :
Cooking Vynil

Tracklist :
1. “The Lopsided World of L”
2. “See-Thru You”
3. “White Out”
4. “Where is John Frum”
5. “Geode”
6. “Shady”
7. “Annie Bliss”
8. “Dark Sparkles and The Beat”
9. “Two Lies and One Truth”
10. “Silver Boys”
11. “Illiterate Lovers”
12. “Face”
13. “Esther”
14. “ROTC”
15. “Let the People Speak”

dimanche 13 mai 2012

Album de la semaine : Gonjasufi - MU.ZZ.LE

Gonjasufi - MU.ZZ.LE


Interview de Gonjasufi, par Fabien Cante de Brain Magazine




En route vers l'hôtel du 9ème arrondissement où j'ai rendez-vous avec Gonjasufi, je marche sur les œufs du doute : mais de quoi va-t-on parler ? Je tâte les spirales du petit carnet où j'ai noté mes questions, très moyennement rassuré. Vous demandez quoi, vous, à un type qui compose la bande-son post-humaine d'un millénaire qu'on ne verra jamais, derrière les nuages de poussière de l'apocalypse ?



Et puis tout à coup, Gonja est là. Il s'avachit. Il commande un verre d'eau, plate. Son visage se retranche dans sa barbe, comme s'il s'endormait. Il a une écharpe de l'AFC Ajax, un survet trop large et des baskets défoncées à la limite du boueux. Dans les miennes, de bottes, je sais que je suis un peu raide mais j'entame, puisqu'il ne dit rien.
Une demie-heure plus tard, man, tu sais quoi ? Ben il est pas mal cool Gonja — surtout quand tu lui parles d'apocalypse, d'animaux et de yoga. Portrait d'un homme à la poignée de main chaleureuse qui trace des ronds dans la moquette en t'écoutant.

Tu as l'air un peu fatigué…
Gonjasufi :
 Ouais. Tu sais. C'est dur.

Bon, parlons directement de ton mini-album, qui sort cette semaine chez Warp. Il s'intitule MU.ZZ.LE — la muselière. Pourtant, à l'écouter, on n'a pas l'impression que tu sois le genre d'artiste à qui l'on peut imposer des contraintes et des restrictions…
Gonjasufi : Effectivement c'est pas une question de contrainte créative. Aujourd'hui c'est l'opposé de tout ça pour moi, et c'est une revanche : toute ma vie j'ai eu un tas de trucs à dire, et j'ai toujours dû tenir ma langue. J'ai longtemps eu l'impression, plus jeune, d'avoir une espèce de muselière, et d'être complètement incompris. Tu sais, quoi, quand tu grandis là où j'ai grandi (à San Diego ndlr), dans les États-Unis des années 1980… Le bullshit à l'américaine.

Ça continue ? On t'arrête souvent à l'aéroport ?
Gonjasufi : Ouais ça continue mais je les laisse plus me mettre en rage. Et comme tu vois, je voyage sans problème. Ça me permet de sortir un peu et de voir les États-Unis de l'extérieur, de casser les mythes. Aujourd'hui j'y vois un énorme potentiel, mais énormément de suffisance. Il y a de plus en plus d'ouverture, par exemple moi je constate tous les jours que les philosophies orientales gagnent du terrain sur la côte Ouest. Mais il faudra du temps pour que les gens cessent de soutenir leur soi-disant modèle qui est en réalité une tyrannie merdique.

Sur MU.ZZ.LE j'ai trouvé une grande tristesse, une noirceur qui n'était pas immédiatement décelable sur ton album précédent. C'est un souci personnel ou ta façon de préparer la fin du monde ?
Gonjasufi : Tu sais quoi, toutes les histoires sont vraies, mec. Sur "Sniffin," à la fin de l'album, où ma voix se détruit dans le bruit blanc, c'était vraiment moi en train de sniffer tout du long, tu vois ce que je veux dire ? C'était une période noire, c'est un album sombre. Davantage que A Sufi and a Killer. Peut-être que les gens s'y retrouveront plus, personnellement je veux dire, car c'est un sentiment réel. Je veux pas faire des trucs cosmiques prétentieux, mais juste dire, on a tous nos merdes à gérer.

Ta musique, la façon dont tu recouvres souvent ta voix de nappes de bruit et d'écho, donne un sentiment d'éloignement radical, l'impression que tu t'isoles dans une bulle hors du monde et du temps. Tu rêvais d'une île déserte quand tu étais petit ?
Gonjasufi : Tu sais, j'ai pas mal bougé quand j'étais petit. A chaque fois je pensais que j'étais enfin installé, dans une maison et au sein d'un groupe d'amis à l'école, mais on pliait presque immédiatement bagage. Donc j'ai eu beaucoup de difficultés à développer et à maintenir des relations fortes avec d'autres personnes que ma famille, surtout mon petit frère. Résultat, j'ai passé beaucoup de temps tout seul, et j'en passe toujours beaucoup aujourd'hui.

Une vie de solitude en somme.
Gonjasufi : Oui mais ce n'est pas si solitaire que ça. Je ne suis jamais vraiment seul. Je suis mon meilleur ami. Je suis très souvent heureux. Et puis même si, de l'extérieur, j'ai l'air d'être seul, il y a toujours la relation intérieure avec Dieu, qui est tout pour moi. C'est quand je l'oublie, et que je cherche le réconfort dans la vie matérielle, que je me sens seul.

Sur Demonchild, un morceau de ton dernier EP, 9th Inning, tu livres une vision du monde qui ferait passer Bukowski pour un gentil entraîneur de poneys. A-t-on forcément un regard dégoûté quand on contemple le monde depuis les marges de la spiritualité, et le mainstream depuis les niches de la musique indé ?
Gonjasufi : Tu sais quoi, jusqu'à très récemment j'étais convaincu que cette année 2012 serait la dernière de l'humanité. Avec une catastrophe ou un truc du style. Ça me réjouissait. Mourir tous ensemble, quelle meilleure façon de partir, non ? On aurait enfin réduit les dualités à une singularité mondiale, toutes les consciences humaines tournées vers la fin, vers le 0. Et puis dans la musique, quelle merde on sort de nos jours, franchement. J'écoute pas grand-chose, mais j'ai l'impression que cet univers est une grosse partie de suçage de bites où tous les artistes créent des petits clubs exclusifs mais ne s'admettent rien en face. J'ai envie de leur dire, fuck ton club mec, moi j'y mets le feu. Maintenant, même de ça je m'en fiche. Je suis complètement détaché de tout jugement sur le monde. Si l'apocalypse vient, elle vient, si on l'évite, on l'évite. Plutôt que de m'énerver, autant ne pas dépenser d'énergie sur tous ces trucs qui de toute façon sont des modes éphémères.

Donc, euh… Tu es optimiste pour la nouvelle année ?  Tu as pris des bonnes résolutions ?
Gonjasufi : Carrément ! Je vois 2013, à l'horizon. J'ai pris la résolution de boire moins cette année, de boire plus de jus de fruits, pour l'instant ça marche pas mal. Je vais fortifier ma relation intérieure. Faire plus de yoga. Et décrocher complètement des réseaux sociaux, parce que ça aussi ça me tue. J'ai supprimé mon Facebook perso, là j'essaie de plus trop toucher Twitter. C'est fou comme l'esprit humain peut s'enfermer dans ce monde virtuel. Je me sens libéré, je ne ferai jamais marche arrière.

Pour revenir à cette idée de marginalité imposée, de solitude heureuse : comment as-tu vécu la transition entre l'anonymat, l'époque à laquelle tu enregistrais pour toi sur des CD vierges, et la célébrité mondiale, justement renforcée par internet ?
Gonjasufi : Là, je suis au sommet. Je suis dans la meilleure position imaginable. Je ne pourrais rien demander de plus, sérieux. Je peux m'envoler pour l'autre bout de la planète, d'un jour à l'autre. J'ai vu plus de villes cette dernière année que la plupart des gens pendant toute leur vie. Et puis c'est gratifiant de voir que tout cet effort, non seulement le mien mais celui de mes proches, qui se sont beaucoup sacrifiés, a payé.

Le live, cette communion avec une audience, ce n'est pas trop difficile ?
Gonjasufi : Ah si, ça c'est le plus dur. Je me retrouve à devoir rejouer des trucs alors que moi-même je n'ai aucune idée de comment j'y suis parvenu. A chaque fois je me dis, fuck, mais comment je vais retrouver ce son ? Je suis un rat du studio, j'aime pas trop sortir dehors tu vois, alors c'est un challenge. Mais bon, ça me pousse un peu, et puis ça me permet d'inviter du monde à jouer avec moi en studio…

Sur l'album A Sufi And a Killer, on a l'impression que tu privilégies les petites vignettes atmosphériques, de deux minutes et quelque, mais surMU.ZZ.LE il y a une vraie dynamique d'ensemble. Tu vas vers des jams de 30 minutes ?
Gonjasufi : Ouais, quand je saurai jouer de la trompette comme Miles Davis. Non mais j'aime beaucoup mixer les morceaux entre eux. Sinon, je ne me pose pas de question, je ne force rien : si un morceau fait X minutes, voila, c'est fait.

Tu apprends la trompette ?
Gonjasufi : Non, je plaisantais. En ce moment c'est le piano et la guitare. Je pense que quand j'aurai 45 ou 50 ans, je partirai en tournée dans mon petit van, juste moi et ma guitare acoustique, jouer du blues.  

Avec une personnalité musicale aussi marquée, aussi cosmique que la tienne, tu n'as pas peur que les gens attendent de toi que tu restes dans le registre psyché un peu fou, comme on attend de Lee Perry qu'il nous brûle un nouveau studio ?
Gonjasufi : Je m'en tape de ce qu'attendent les gens. Avec moi, c'est l'inattendu sinon rien. J'en ferai toujours qu'à ma tête, et si ça doit être le blues acoustique, personne ne pourra me contredire. Ça n'aurait aucun sens pour moi de continuer à faire de la musique trippée et épique à la Bollywood, tu vois ? Je veux dire, j'ai plein de trucs enregistrés dans ce genre, mais ça sera pour plus tard. J'aime mieux l'idée de sortir les pièces d'un puzzle, que les gens doivent patiemment reconstituer pour comprendre mon message.

Mon morceau préféré sur MU.ZZ.LE c'est Feedin Birds, où tu chantes avec ta femme, et qui évoque une certaine population sans-abri très amie avec les volatiles urbains. Tu as beaucoup dormi dans des lieux publics ?
Gonjasufi : Ouais… J'ai jamais été… Enfin, j'ai traversé des moments difficiles. J'en ai beaucoup vus. Et oui, j'ai passé assez de temps, tout seul, dans la rue. A nourrir les oiseaux. Littéralement. Tiens, j'ai commencé la vidéo pour ce morceau hier soir, ça va être un truc brutal.

Raconte.
Gonjasufi : (Hésitant) Ouais… non, en fait. j'ai failli te raconter, mais j'ai peur qu'on me choure l'idée.

J'ai lu un entretien où tu faisais part de ta haine de l'autotune et de toutes ces distorsions vocales numériques. En même temps, ta voix est très souvent enfouie sous les filtres et les grésillements en tous genres. Pourquoi tu fais ces choix ?
Gonjasufi : Attends, ma voix, c'est sans effet. Enfin. Je suis un fan de métal, et tout ce que je veux c'est un micro, un ampli, pour pouvoir m'entendre hurler. Là, je me sens vivant, je me sens libre. Alors les distos que t'entends, c'est juste le métal. C'est ma voix en liberté. Autotune, c'est la mort de la musique. Ça ne mord pas, c'est mou, c'est immonde.

Sur ton premier album tu voulais être une brebis, dans la vidéo de Demonchild tu es un poisson… Tu n'es pas membre des PETA quand même ?
Gonjasufi : On a beaucoup à apprendre des animaux. Les animaux vivent toujours dans le présent. Si le Messie revenait, en admettant qu'il soit jamais parti, tous les animaux comprendraient son langage. C'est comme les chats. J'ai un chat à la maison, un Siamois, qui s'est simplement pointé chez moi, un jour, et qui est tombé à pic : c'était un moment où ma famille était partie, et où j'étais effectivement un peu seul. Et c'est un esprit qui s'est adressé à moi dans la solitude. Quand des amis me disent que les animaux n'ont pas d'âme, j'ai envie de les gifler. Je ne suis pas avec les PETA, mais je ne mange rien que je ne puisse attraper et tuer moi-même. Je mange beaucoup de poisson, parce que je pêche beaucoup. Mais je vais pas manger de bœuf parce que je vais pas aller massacrer une vache.

Tu vas pêcher à Las Vegas ? Tu aimes la ville ?
Gonjasufi : Il faut sortir un peu, effectivement. Mais non, c'est vraiment de la merde cette ville. Vraiment. J'y ai déménagé parce que c'était une nécessité personnelle, vers 2005. Mais bientôt je me casse. Je pars dans la forêt, en Californie du Nord, peut-être, sans doute dans l'Oregon ou l’État de Washington. A la base je suis un fils de l'océan, mais bon ça devient trop cher de vivre en Californie avec autant de bouches à nourrir. J'y retourne par le biais de la forêt. Il me faut un peu d'humidité, mec.

Tu as dit à plusieurs reprises que tu avais trouvé ta voix, son volume et son grain, en donnant des cours de yoga. C'est quoi comme expérience humaine, l'enseignement du yoga à Las Vegas ?
Gonjasufi : A Las Vegas, c'est pas forcément intéressant, mais tu sais (sa voix s'enroue à nouveau et devient plus aiguë), le yoga m'a appris à ne pas être obsédé par un résultat. A faire attention à l'alignement de toutes les choses : un petit degré de travers, et c'est une autre planète de douleur. Ça m'a appris à faire très attention à la forme, plutôt que d'aller immédiatement vers le fond. Quand ça fait mal il faut garder la forme et respirer lentement pour pénétrer dans la douleur. C'est physique, mais par cette patience et ce maintien, cela se traduit vite en spirituel. Enfin, le yoga m'a permis de prendre conscience de mon corps, que je dois traiter comme un temple si je veux continuer à recevoir les bonnes fréquences de l'univers.

Tu as une position favorite ?
Gonjasufi : Oui, Savasana.

C'est ma préférée aussi, mais il va falloir que tu expliques aux lecteurs non-adeptes.
Gonjasufi : C'est la position du cadavre, une immobilité totale dans l'allongement, après tout l'effort engagé dans les positions précédentes. C'est extrêmement difficile d'y arriver et de s'y maintenir, malgré la passivité apparente, parce que tu es souvent fatigué, prêt à rouler ton matelas et à dégager. Mais c'est une position passionnante car, en habitant l'immobilité totale du cadavre, en la rendant pleinement vivante, tu te prépares pour le passage dans l'au-delà.

Pour finir, je vais t'avouer un truc : j'écoutais ta musique très, très tard l'autre soir, et j'ai eu une vision. J'ai vu un avion, dans le ciel, avec un pilote solitaire et invisible, mais qui traînait une de ces banderoles à message, tu vois ? Et je me suis demandé ce que tu mettrais sur ta banderole, pour communiquer avec les terriens.
Gonjasufi : Putain… attends… putain. C'est une bonne question. Merde. Um, putain. Peut-être que je mettrais juste une longue série de points de suspension. Ou alors, "BOUGE TON CUL," tu vois ce que je veux dire ?  "ARRETE DE TE PLAINDRE."

"Deviens riche, mange du poisson et meurs," comme dans ton morceau "Eat Fish" ?
Gonjasufi : Ouais, tiens ! C'est parfait ça. Mets ça, ça va marcher.




Label :
Warp Records

Tracklist :
White Picket Fence / Feedin’ Birds / Nikels and Dimes / Rubberband / Venom / Timeout / Skin / The Blame / Blaksuit / Sniffin’

dimanche 6 mai 2012

Archive de la Semaine: Beastie BOYS - Bad Communication




Merde. Aujourd’hui, je vais vous causer de ma pomme pour changer. Pas franchement le goût d’essayer de placer un bon mot ou de faire dans l’historique bon teint.
Les Beastie Boys représentent à mes yeux, un groupe majeur. L’expression est galvaudée mais elle convient à merveille pour ce groupe.  Les B.BOYS ont changé la face de la musique pour toute une génération.
Oui les rockeurs comme les rappeurs se sont appropriés à un moment leur univers foutraque et loufoque.  Ça va même plus loin, puisque c’est tout un public qui a plongé dans le bain bouillonnant des Beastie.
Oui ils ont changés la face du music business en proposant du spectacle haut en couleurs sur des morceaux catchy qui ont finis par accrocher tous les cortex.
Tout le monde ou presque (dans la tranche des 25- 45 ans) connaît le parcours du trio ; gamins intelligents bien élevés, bourgeois  qui décident de mettre le bordel et de s’amuser pour le plaisir de faire plaisir. Le seul faux pas, sera le plantage de leur label Grand Royal.  Music is Business.


Pour moi, l’aventure des Beastie Boys démarrent à la fin des années 80 lorsque je découvre le Fight for your Right sur une compilation K7. Ouaip, un truc d’étudiant qui consistait à se faire des compilations et les échanger entre amateurs de musique… américaine bien sûr. Cobain devait encore porter les amplis pour les Melvins à ce moment-là.  Sur cette compilation, il y’a  en vrac Art Blakey,  un Zappa, 2 Sonic Youth, un Black Flag, un DYS, un Bauhaus,  2 Suicidal Tendencies, un Ministry et "Fight for Your Right". Bon sang, il me faut tous ces albums… (C’est fait depuis, merci)


En 2011, les Beastie Boys sont revenus sur le devant de la scène avec un Hot Sauce Committee Part II d’excellente tenue… à l’instar de l’ensemble de leur discographie.  Ce sera la marque de fabrique du groupe. Une excellente qualité dans les compos, des thèmes abordés avec humour et intelligence cf l’après 11 septembre abordé sur leur splendide To the 5 Boroughs. Toute une carrière à se marrer sérieusement, ça laisse rêveur.
Les Beastie Boys font partie, avec une poignée d’autres, qui m’ont donnés vraiment envie d’aller plus loin dans les découvertes musicales… pour des genres qui m’étaient inconnus. Un groupe qui m’a donné envie de comprendre l’anglais. Un groupe inspirant qui a donné une certaine noblesse à la liberté de chercher… (ben y’avait pas que la Niou Ouaive ou le Punk dans les années 80).



En mémoire à Adam Yauch (5 août 1964 – 4 mai 2012)

Discographie Sélective :

 Licensed to Ill (1986)


Paul's Boutique (1989)


Check Your Head (1992)


Some Old Bullshit (1994)


Ill Communication (1994)


To The 5 Boroughs (2004)


Hot Sauce Committee Part Two (2011)