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samedi 10 décembre 2011

Album de la semaine : Enablers - Blown Realms & Stalled Explosions


Enablers - Blown Realms & Stalled Explosions


Interview d'Enablers

Enablers est un groupe “tardif”. Vous veniez d’où musicalement parlant ?
Kevin : Mon premier “vrai” groupe était Nice Strong Arm avec lequel nous avons sorti trois LP sur Homestead Records entre 1986 et 89. On pourrait dire que c’était un trio pré-post-rock. Je jouais de la guitare et je chantais. Mon groupe suivant, Timco, était un peu plus mélodique (Basura Records, www.myspace.com/timco). Entre les deux, j’ai eu un projet avec Joe Goldring, Morning Champ.
Pete : J’étais un batteur plutôt mauvais. J’avais joué dans un groupe de punk, Shotwell, pendant deux ans. J’avais commencé avec eux en tant que projectionniste. Avec mon ami Jim, le frontman du groupe, on passait des nuits à coller les bouts de pellicule 16mm qu’il trouvait dans les poubelles domestiques. J’ai fait deux ou trois tournées avec eux comme ça, avec mon projo, à diffuser nos collages. Ils étaient souvent sans batteur alors j’ai accepté de jouer autour d’un feu de joie, face au Cyclone Warhouse (Ndlr : salle/galerie de SF) en 1996. Le reste de l’histoire est une charade et tout ce qu’il y a eu avant 96 est une série de souvenirs flous et sans groupes.
Joe G. : Quand tu dis « background », tu parles d’éducation musicale ? Et bien, je n’en ai pas. Je me suis fait jeter de mes cours de musique et j’ai passé le reste de mon enfance à en écouter et à en jouer. Ce n’est que lorsque j’ai déménagé à San Francisco que j’ai rencontré des musiciens qui m’ont inspiré. Tim Mooney de Negative Trend et Toiling Midgets, Vudi de American Music Club et bien sûr Kevin. Jouer avec eux m’a vraiment ouvert à toutes sortes de musiques à côté desquelles j’étais passé en grandissant. Avant cela, tout ce que j’écoutais venait de mes proches et de John Peel, ce qui n’était déjà pas si mal. Parmi tous les groupes dont j’ai fait parti, il y a les Toiling Midgets, les Swans, Morning Champs, Clodhopper, etc. J’ai également enregistré et tourné pour Tarnation, Mix Master Mike, Hope Sandoval, Men Of Porn et HiM. J’ai aussi collaboré à deux reprises avec Dough Scharin (Ndlr : batteur de June Of 44, HiM) sous le nom de Out Of Worship.

Joe, ces innombrables contributions en tant que musicien permanent ou occasionnel ont-elles modelé ou modifié ta vision de ce qu’est ou ce que doit-être un groupe ?
Joe G. : J’ai eu beaucoup de chance de jouer avec tous ces musiciens incroyables. J’ai essayé de retenir le maximum de choses de ces expériences. Je ne sais pas si ça a foncièrement changé ma conception de ce que doit être un groupe mais ça a certainement renforcé ma compréhension des dynamiques au sein du groupe.

Même question sur ton travail en tant que producteur.
Joe G. : Mon travail de producteur enrichie et influence mon travail de musicien, et vice-versa.

John Peel a dit à propos de la musique de The Fall « Toujours différente, toujours la même ». Je serais d’avis d’appliquer la formule à Enablers. Vous en dites quoi ?
Pete : Ça colle plutôt bien.
Kevin : Écouter plus attentivement : voilà l’enseignement à retenir de la phrase de Monsieur Peel.
Joe G. : Je pense que c’est excellent d’être cité dans la même phrase que John Peel et The Fall.

Vous avez un truc pour arriver à lier de manière si étroite la dynamique des morceaux aux poèmes de Pete ? Qu’est-ce qui vient en premier ?
Kevin : La poule et l’œuf.
Pete : On ne procède pas différemment des autres groupes. Ce sont les circonstances qui déterminent la manière dont une ligne ou une phrase seront ponctuées. Ce qui nous demande le plus de travail, ce sont les éléments comme la tension, les conflits et les contradictions entre la voix et la musique. Savoir ce qui vient en premier – la musique ou le poème – n’est pas un vrai problème. On a toujours une base à développer et on fonctionne le plus naturellement possible, ce qui implique parfois de modifier les idées musicales ou les mots.
Joe G. : Nous amenons des morceaux ou des riffs. Pete décide s’il a quelque-chose qui pourrait coller avec l’humeur de la musique. Ensuite, nous commençons à travailler la musique autour de l’histoire, comme si nous voulions la ponctuer.

On compare souvent Enablers à certains groupes issus de la scène post-rock des années 90, Slint, Codeine et bien sûr June Of 44. Vous vous sentez liés à une scène ? Quand on vous demande de décrire le groupe, que répondez-vous ?
Kevin : Je dis que je joue un rock and roll obscure, beau et tapageur déclamé par un poète.
Pete : Ça dépend à qui je m’adresse. Par exemple, je travaille dans un bar qui n’est fréquenté par aucun indie-rocker ou jeune hipster urbain, et d’un côté, c’est un soulagement. C’est aussi un bar où on passe beaucoup de musique – surtout du jazz et du R&B. Quand on me questionne sur la musique que je fais, je réponds presque toujours « bizarre ». C’est ma manière de réagir – même si Enablers doit beaucoup au jazz et au blues. S’ils sont curieux, ils voudront en savoir plus et je leur dirai à peu près la même chose que Kevin. Les rares personnes « au fait » – de même sensibilité – iront sur myspace en rentrant chez eux et reviendront en nous comparant à Slint, June Of 44, etc. Puis ils emploieront le terme « bizarre », ce que je prendrai comme un compliment.
Joe G. : Je ne vois pas cela en termes de scène. J’ai travaillé avec certains de ces groupes et musiciens et plusieurs d’entre eux sont de bons amis. On est de la même génération. Je suis sûr que nous avons grandi en écoutant le même genre de musique. Je ferai de mon mieux pour ne pas tenter de décrire ma propre musique.

Pete, tes textes sont partout associés à la littérature Beat de San Franciso, Ginsberg, Burroughs, Kerouac… Tu te sens redevable de ces écrivains ?
Pete : J’ai grandi en lisant les Beats et la plupart de mes premières tentatives d’écriture, avec le recul, étaient certainement influencées par eux. Sur End Note, il y a certains poèmes que j’avais ébauchés alors qu’Enablers n’en était même pas encore au stade de l’idée, à une époque où je cherchais encore mon style et ma voix. Quand un jeune écrivain se retrouve dans cette situation, il va avoir tendance à s’en remettre à des choses qui l’influencent mais qu’il ne maîtrise pas forcément. C’est un penchant naturel et quiconque s’est essayé à l’écriture a vécu ça d’une manière ou d’une autre. En ce qui me concerne, j’étais clairement sous l’influence des Beats sans m’en apercevoir Je pensais que j’avais évolué au-delà d’eux alors que ça n’était pas vraiment le cas. Pour faire court, si ce que j’ai écrit dans ma jeunesse jusqu’à mes 25 ans est considéré comme « Beat », alors soit, je n’y peux rien. Ils ont changé le jeune homme que j’étais, ils m’ont appris à penser pour moi et plus important, comment m’exprimer à travers ce que j’écris. Mais je ne pense plus en ces termes. Aujourd’hui, je vois l’écriture comme la démarche artistique de toute une vie. Je ne crois pas être un écrivain Beat. Je crois être, en quelque sorte, une extension de cet héritage, dont je suis d’ailleurs reconnaissant. Mais je ne les lis plus. Je ne vais plus piocher dans Les Souterrains (Ndlr : roman de Kerouac, 1958) ou relire « Bombe » (Ndlr : poème « concret » de Corso) comme je le faisais à 15, 16 ou 17 ans. Je ne suis pas en train de dire que je n’ai aucun respect pour ce qu’ils ont apporté à la Littérature, pas du tout. Il m’arrive d’ailleurs encore de relire certains des livres que j’aimais enfant. Mais en tant qu’écrivain, je crois avoir grandi. Je crois avoir acquis plus de profondeur et d’expérience, deux attributs qui vont à l’encontre de la marque déposée « Simonelli : poète Beat ». Franchement, les propos de ce genre sont uniquement le fruit de la paresse des journalistes et une insulte à la musique de Kevin, Joe G. et Joe B. Et je n’ai jamais été aussi furieux que la fois où on m’a traité d’écrivain « Beat », parce que je réalisais alors que les journalistes, les chroniqueurs et leurs éditeurs avaient besoin de quelque chose à se mettre sous la dent. Ils entendent de la musique avec un type qui récite de la poésie : quelle que soit cette musique, ils en concluront que l’écrivain est « Beat » et que la musique est là uniquement pour servir de bande-son à la déchéance des poivrots et des losers et je crois sincèrement que la musique d’Enablers ainsi que ma contribution en tant qu’écrivain et membre du groupe – exigent bien plus de bienveillance et de droiture que tout ça. D’autant plus que beaucoup de gens négligent l’humour et l’humanité dans notre musique. L’Art est un divertissement!

Pour moi, tes textes ont quelque chose d’impressionniste dans le sens où tu laisses une grande part aux atmosphères et à la suggestion, avec des scènes de la vie quotidienne racontées par bribes, par séquences… Dans quoi puises-tu la matière première ?
Pete : Probablement là où tu trouves toi-même l’inspiration pour tes questions. Les impressions viennent des questions. Je me fiche d’expliquer ce qui m’inspires. Ne le prend pas mal, mais je m’en fous vraiment. C’est étouffant et ça ne sert à rien. Il n’y a pas de stimulus particulier. Il y a des poèmes « urbains » ; il y a eu des poèmes « ciel » ; et il y en aura certainement beaucoup d’autres. Mais ce que je pourrais dire à propos d’un poème est probablement très différent de toi ou n’importe qui d’autre en dirait. Tout est là. Tout artiste abandonne au monde une part de lui-même ; c’est cet acte-même qui est une vertu, avec une signification en soi et pour soi.

Comment as-tu développé cette scansion particulière, cette forme de spoken-word ?
Pete : Un vieil ami à moi, un poète du nom de Jack Hayes – qui est d’ailleurs le Jack de « For Jack : A Philippic » (Ndlr : sur Output Negative Space) – m’a dit un jour que lorsque tu récites un poème ou une histoire en public, tu dois t’adresser, non pas aux gens dans la salle, mais à un ami imaginaire assis dans le mur, quelque-part au-dessous du plafond, tout au fond de la pièce. Avec un micro dans un endroit isolé, cette méthode change néanmoins quelque peu. Mais si je dois chanter fort et distinctement, avec ou sans micro, je me remémore toujours cette phrase – que ce soit lors d’un concert, d’une lecture ou d’un enregistrement. Si le morceau requiert une élocution calme et posée, j’essaye de me représenter une conversation que je pourrais avoir avec quelqu’un qui m’est cher. Les poèmes « calmes » ou « feutrés » sont généralement des extensions de conversations réelles que j’ai eues. J’essaye donc de donner à mes inflexions le plus de naturel possible. Franchement, c’est quelque-chose que j’apprends encore.

Dans une interview récente, Eugène d’Oxbow nous disait que 12 années s’étaient écoulées avant que les Américains commencent à entendre parler d’eux et à prêter attention à leur musique. Est-ce que cette phrase fait écho à votre propre relation avec les États-Unis ?
Pete : Oui, je trouve ça très juste.
Kevin : Pour être honnête, on laisse volontairement les États-Unis en dehors de ce qu’on fait.
Joe G. : En tant que non-Américain, j’en suis encore à essayer de comprendre ce pays.

Pour finir, y a-t-il une question que vous aimeriez qu’on vous pose ?
Kevin : Non, mais merci de demander.
Pete : Où est la question 21 ?
Joe G. : Désirez-vous retirer cet argent en francs suisses ou bien en livres Sterling, monsieur?


Line up 
Pete Simonelli
Joe Goldring
Kevin Thomson
Doug Scharin

Label
Exile On Mainstream/Lancashire and Somerset

Tracklist
01/ Patton
02/ Cliff
03/ Career-Minded Individual
04/ Morandi : Natura Morta #86
05/ No, Not Gently
06/ The Reader
07/ Hard Love Seat
08/ Rue Girardon
09/ Visitacion Valley
10/ A Poem For Heroes 


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