Archive de la Semaine: No One Is Innocent - Utopia (1997)

Putain 15 ans !
Pour ne rien vous cacher, cet album m’accompagne régulièrement depuis sa sortie. Lors de la parution, Utopia fait l’effet d’une bombe aux confins de la France, de Navarre et même d’Europe. Les critiques sont surpris et unanimes. No One Is Innocent est passé du statut d’ersatz de Rage Against The Machine au statut de fer de lance du rock français contemporain, inventif, en avance sur son époque pour le grand public. C’est là que le bas blesse, trop en avance et le public tout-venant ne suit pas, les « indés » sont sceptiques et donc le groupe se casse les dents. A ce moment, le groupe a toutes les cartes en main pour réussir le très délicat challenge d’aller à la rencontre des masses et des connaisseurs. L’histoire en décide autrement, Utopia est incontestablement l’album du groupe qui remporte le plus de succès.

Pourquoi cet album est-il si crucial ?

Le groupe ose ! Il se retrouve à Woodstock en août 1996 pour enregistrer avec Sacha Konietzko et Ulrich Wilde du groupe indus allemand KMFDM. D’emblée le groupe se tourne vers l’expérimentation, guitare 3 cordes fabriquées à partir d’une vieille guitare de Jérome-David Suzat-Plessy qui s’emploie à une panoplie déconcertante d’instruments. À  cela s’ajoute des samples, des basses lourdes (Plessy) et une guitare 4 cordes avec un accordage tordu, torturée par le belge de service. D’autre part, les textes de l’écrivain Maurice.G.Dantec et sa vision assez claire de la situation du conflit bosniaque. No One  se veut sérieux dans ses propos et opte pour une posture politique bien définie qui dépasse le stade du slogan le tout sur fond de Rock Indus soudé et découpé.

"Live NPA"

Ça commence pourtant de manière convenue par un « Black Garden » gueulard, rentre-dedans, une mise en bouche trompeuse. Le superbe "Invisible" débarque avec une fougue nouvelle pour le groupe, un morceau ultra concis qui donne la ligne directrice de la plaque. Le choc indus inattendu se concrétise avec « Chile », morceau mid-tempo engagé, revanchard. Kmar a pour lui un charisme vocal qui se ressent physiquement, si on accroche, on ne sort pas de cet album. « Nomenklatura » embraye dans le sillage des Young Gods, la voix de Dantec habite le morceau  de manière lancinante. Le clou est enfoncé avec « Radio 101 », « Poison » entérine cette trilogie qui fait vibrer tout le disque. Plus loin Amère impose Kmar comme un poète beatnick dont l’écriture pourrait approcher un Brett Easton Ellis. « Autobhan Babies » est l’écho du « Pinecrest solution » qui se trouve en fin d’album. Ce que savons rappelle la trilogie déjà évoquée. « Neuromatrix » en point final est le  -petit plaisir- des musiciens de l’album qui expérimentent une atmosphère froide.

En évoquant l’album, il faut s’attarder sur la participation de Dantec. Ecrivain controversé qui publie en 1995, "Les Racines du Mal", un polar futuriste qui traite de faits de société. A cet effet, Dantec est invité sur le plateau de la défunte émission ‘Nulle Part Ailleurs’ pour évoquer des faits d’actualités relatifs à la situation de Sarajevo - Le 06 Avril 1992, Sarajevo fut encerclée par les forces serbes. Le siège de la ville dura jusqu'en octobre 1995, période durant laquelle elle subit de nombreuses destructions et une importante baisse de sa population. – Dantec y apporte un regard aussi rigoureux que personnel.

"Nomenklatura"

Par la suite, le groupe va se désolidariser de l’écrivain, celui-ci ayant tenu des propos dans le magazine minute, très tendancieux. La participation de Dantec à l’album est essentielle même si elle se résume à une narration de l’auteur. Le groupe se sépare fin 2003 sous forme d’un clash entre le chanteur et les musiciens (qui se retrouvent dans le projet SPOR).

Cette époque du groupe est assurément la plus intéressante. Musicalement, l’apport dans la composition du guitariste belge David De Four, les expérimentations du bassiste Jérome- David Suzat-Plessy,  les samples ‘organiques’ de Spagg apportent pour le coup une couleur inédite dans le paysage rock français, tutoyée par les bordelais de Proton Burst (mais c’est une autre histoire).

Depuis, il existe un ersatz de No One Is Innocent qui s’essaye à marier Indochine et le meilleur du rock français (sic).

Tracklist:

Black Garden - Invisible - Chile - Nomenklatura - Radio 101 - Le Poison - Women - Amère - Autobhan Babies - 2 People - Ce que nous savons - Inside - Pinecrest Solution - Neuromatrix